Journal d'entrainement: semaine du 21 juin 2021
- Loïc Paipai
- 27 juin 2021
- 5 min de lecture
Lundi 21
Comme prévu, j'ai commencé à travailler les positions statiques de façon tenue. Je suis toujours stupéfait de la rapidité des progrès: au tout début, on a mal aux épaules au bout de 3 minutes, pourtant au bout d'une semaine, on tient 15 minutes les bras en l'air sans problème.
Je me suis aussi posé au parc pour méditer. Je l'ai peut-être déjà dit mais c'est la partie de mon entrainement qui passe le plus souvent à la trappe, et c'est l'intérêt d'un journal: cela m'aide aussi à me motiver pour ne pas sauter certaines parties de la pratique. Le paradoxe, c'est que si je médite moins, c'est qu'en fait, j'aime trop ça. Je peux rester 1h à méditer sans problème, et en fait, cela fini par me prendre trop de temps alors j'ai un peu arrêté. Bref, je m'y remet en essayant de me mettre une contrainte de temps.
Mardi 22
Long travail de positions statiques. Je pratique souvent pieds nu, sans bouger cela fait rapidement mal au pieds. Aujourd'hui, je l'ai en chaussures au parc, le ressenti est complètement différent. Paradoxalement, je trouve l'alignement plus facilement, et j'ai évidement bien moins mal aux pieds. Je me demande quelle méthode est préférable. Chaussé ou pieds nu? La question mérite d'être posée.
Mercredi 23
Pendant que j'attendais le résultat de mes examens à l'hôpital (juste une vérification du fonctionnement de mes surrénales, rien de grave), j'ai longuement travaillé (plus d'une heure) l’enchaînement des 4 forces fondamentales du taichi: "peng", "lu", "ji", "han". Comme je le disais dans le post de la semaine précédente, cela fait vraiment la différence. On passe par plusieurs phases: au début, c'est comme d'habitude, on est en terrain connu. Au bout de quelque temps, on commence à se rendre compte qu'en fait sur certains mouvements on lâche l'alignement de la tête, que sur d'autres la connexion entre les bras et les jambes est plus qu'approximative. Puis on commence à perdre l'enracinement. Rien ne va plus! On a l'impression d'être redevenu un débutant, de bouger comme un pantin désarticulé. Et puis au bout d'un moment, les choses commencent à se reconnecter doucement sous une forme légèrement différente. Une compréhension nouvelle s'installe.
Un long temps de pratique permet aussi d'à la fois s'accorder un espace assez long de travail en correction pure où l'on s'attache à la perfection technique, et ensuite un espace de pratique libérée, où l'on bouge juste pour le plaisir du mouvement, en se plaçant uniquement dans le ressenti. Le soir, cours encore une fois passionnant avec mes élèves. Plus j'enseigne et plus je réalise que je suis fais pour ça (ai sens où j'aime ça, pas que je suis un cador). Bref, ce qui m'a frappé, c'est que je leur fait travailler la forme de taichi car pour moi c'est plus ludique, et que j'ai peur de les dégoûter avec les exercices de neigong qui sont en apparence simplistes. J'essaie donc de leur proposer des choses variées et la forme de taichi, c'est aussi un peu une démonstration de ce vers quoi on tend, une carotte pour montrer à quoi sert la pratique d'exercices plus arides.
Or donc, une de mes élèves, qui bosse énormément en ce moment, a commenté que pour elle, ça aurait été plus reposant de faire des exos simples. Sous entendu qu'elle aurait préféré ces exos, sous entendu donc qu'elle apprécie pratiquer ces exos. Je dois donc me méfier de mes a priori et ajuster ce que je propose non pas en fonction d'une version fantasmée de ce qu'attendent mes élèves mais bien de ce que je ressens de leur besoin sur le moment, voir mieux, de ce qu'elles me disent de leur besoin. Ce qui veut dire leur demander, ce que je ne fais pas toujours.
Ce cours a été aussi l'occasion d'un assez gros fail: j'ai voulu leur montrer un exercice à deux qui doit se faire normalement en souplesse, en mettant juste assez de force. Le problème, c'est que comme cet exercice a une composante de confrontation (il faut prendre le centre de l'autre, en gros), mes élèves se sont tout de suite mises à utiliser la force, et je n'ai pas bien réussi à leur faire comprendre comment le faire de façon relâchée. Selon elles, elles ne sont juste pas prêtes à ce type d'exercices, elles sont trop tendues et pas assez enracinées. Je suis persuadé du contraire, et je pense surtout que le problème vient de moi, je n'ai réussi à leur expliquer correctement l'exercice et à leur montrer suffisamment bien comment le faire en détente. Je vais ré-essayer la semaine prochaine, car je pense qu'il est important qu'elles commencent à entrevoir comment ce qu'elles travaillent seules s'applique dans la vie et dans le rapport à l'autre.
Jeudi 24
Longue session de positions statiques au parc. Je continue à m'interroger sur la différence de sensations considérable entre la pratique avec chaussures et celle pieds nu. Une autre chose me perturbe: au moment où je sens que je suis complètement aligné, que les tensions sont minimales (que cela soit dans les jambes, les fesses, le dos, le ventre), j'ai une espèce de sensation de légèreté qui contraste avec la sensation d'enracinement que je connais et que je devrais à priori ressentir.
Un autre problème, c'est que l'on dit que "le souffle doit tenir les bras". Pour le moment, je ne sens pas cet aspect. Il m'est de plus en plus facile de tenir longtemps les bras en l'air et sur le plan mental, je n'ai aucun souci à rester immobile une demi-heure ou plus, par contre, je sens que l'exercice est toujours purement physique. L'aspect énergétique m'échappe. Je sens mon centre et mon wei chi, mais je ne sens pas le fait que l'énergie tienne ma structure. Je pense qu'une grande partie du problème vient du fait que cela fait un moment que je n'ai pas pratiqué la respiration abdominale inversée et je consomme une grosse partie de mon attention (et donc de mon énergie) à juste respirer.
Vendredi 25
Deux pratiques tenues coup sur coup: j'ai commencé par 30 minutes de positions statiques, puis à nouveau 30 minutes de "peng", "lu", "ji", "an". Deux constatations intéressantes: j'ai complètement dépassé l'ennui dans les positions statiques. Maintenant que je n'ai plus trop mal, je serais presque capable de m'endormir debout, signe d'une relaxation intense chez moi (à cause de ma pathologie, insuffisance surrénalienne, lorsque je suis détendu à rien faire, en général, je m'endors). Je me rappelle il y a dix ans, je comptais littéralement les minutes en trépignant sur place. C'est assez dingue le chemin parcouru. A un moment, je me suis retrouvé dans un état presque de transe, à la frontière du sommeil, où j'avais l'impression de pousser avec les arbres. Intéressant comme sensation.
Pendant "peng", "lu", "ji", "an", j'ai remarqué qu'un des bénéfices de tenir ce journal, c'est que je suis plus sérieux dans mon entrainement, moins dispersé. Sans pratiquer plus, cela a élevé la qualité de ce que je faisais, car comme je veux avoir des trucs à raconter, je m'investi d'autant plus. J'ai ensuite médité une vingtaine de minutes, mais j'étais crevé et j'ai globalement piqué du nez. Sinon, je teste des trucs en neidan, il y a la notion que trouver "un" centre, c'est trouver LE centre, et donc en ce moment je me focalise sur une pratique de condensation dans le bras. Et effectivement, je me suis rendu compte que lorsque je prend vraiment conscience de l'axe central de mon bras, si je suis attentif, j'ai aussi la sensation de mon centre, d'une façon plus focalisée que lorsque je fais juste l'exercice de "Chauffer le centre", où la sensation est globalement très étalée.
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